La fin des pages jaunes
A l’issue d’une assemblée générale de quatre heures, le plan de désendettement de cet ex-filiale de feu France Telecom a été très largement approuvé. La société évite la cessation de paiement. La bataille promettait d’être épique et elle l’a été. Pendant cinq heures jeudi dans la soirée, la direction de SoLocal, l’ex-PagesJaunes, a ferraillé en assemblée générale au CNIT de la Défense avec des actionnaires frondeurs qui refusaient toujours son plan de restructuration d’une dette colossale de 1,19 milliard d’euros. Une dette qui étrangle l’entreprise et menaçait de l’envoyer directement au tapis avec ses 4400 salariés. Le projet qu’elle a soumis a finalement été adopté à une large majorité des deux tiers. il prévoit que la dette sera ramenée à 400 millions en échange d’une augmentation de capital qui diluera l’actionnariat actuel après que ce dernier a déjà connu une véritable descente aux enfers boursiers. En octobre, l’annuairiste avait essuyé un premier échec au terme d’une première AG tout aussi mouvementée. Depuis, les conditions financières du plan ont été revues à la hausse et certains frondeurs ont rejoint le camp de la direction. Mais d’autres considéraient toujours la pilule trop amère et réclamaient de nouvelles négociations avec les créanciers. Or, ces derniers parmi lesquels les hedge funds Paulson, Ambert et Monarch qui détiennent 37% de la dette, se disaient prêts à déclencher la bombe atomique : en cas de refus du plan, ils demanderaient le paiement immédiat de leurs créances, ce qui aurait eu pour effet d’entraîner le dépôt de bilan de la société. Les petits porteurs frondeurs ont à nouveau dénoncé le jeu trouble de fonds spéculatifs tantôt actionnaires, tantôt créanciers, prêts à profiter d’actions bradées pour se refaire une santé. Ils étaient soutenus par certains «activistes» experts en reprise d’entreprise comme Didier Calmels – le redresseur les volaillers Doux – ou Benjamin Jayet – qui se présente comme le premier actionnaire de l’entreprise avec 7% du capital. Ces derniers qui ont investi assez récemment dans SoLocal rêvaient de prendre le contrôle de la société à bon prix. Des «aventuriers» a dénonce la direction, tandis qu’un de leurs soutiens a stigmatisé la naïveté de la majorité des actionnaires lors de l’AG. «Vous êtes en train d’admirer la corde qui vous étrangle, leur a-t-il lancé. Je n’avais jamais vu une manif de gens modestes en faveur de leurs usuriers.» Ambiance. L’histoire de Solocal, c’est celle de ces «LBO» monstre, ou opérations de rachat à effet de levier (par endettement) qui virent au cauchemar parce que des financiers trop gourmands ont eu les yeux plus gros que le ventre. En 2006, France Télécom revend au fonds d’investissement KKR et à la banque d’affaires Goldman Sachs les 54% de capital qu’il détient encore dans sa florissante filiale PagesJaunes pour se désendetter. L’annuairiste qui réalise alors l’écrasante majorité de son chiffre d’affaires dans la vente d’encarts publicitaires dans ses bottins imprimés est valorisé à 6 milliards d’euros. Un montant irréaliste et très excessif, qui va plomber l’entreprise, puisque dans un LBO, c’est elle qui rembourse son rachat en payant d’énormes dividendes à ses actionnaires, afin que ces derniers honorent leur dette. Entre 2006 et 2011, PagesJaunes versera ainsi pas moins de 4,5 milliards d’euros à ses actionnaires. Une «ponction» qui tombe au plus mal: le modèle économique basé sur le papier est en train de s’effondrer et PagesJaunes qui se rebaptisera SoLocal en 2013 doit alors opérer un virage à marche forcée vers Internet nécessitant d’importants investissements.