Macron au 19ème…
C’est sans doute le drame de l’économie française, une vision 19ème d’un monde ancré dans le 21ème siècle. Avec deux trains de retard, cela ne peut pas marcher. Le ministre de l’économie défend, dans une tribune au Monde, sa vision de la transformation de l’industrie française grâce à une nouvelle démocratie actionnariale. Le ministre de l’économie justifie ainsi l’attitude de l’Etat face à Renault, après sa décision de monter au capital du constructeur qui lui permettra d’imposer la mise en œuvre de la loi Florange. Lire l’intégralité de la tribune en édition abonnés : Emmanuel Macron : « Retrouver l’esprit industriel du capitalisme ». Pour M. Macron, « il n’y aura pas de réindustrialisation française sans transformation du capitalisme français. Il n’y aura pas de renaissance de l’industrie dans notre pays sans financement adéquat. Il n’y aura pas de rebond industriel sans stratégie de long terme ». Il distingue « trois leviers qui doivent être actionnés simultanément ». « Le premier, c’est d’inciter plus fortement les Français à investir dans nos entreprises. C’est pour cela que nous avons élargi le plan d’épargne en actions (PEA), créé le PEA-PME et que nous avons réformé l’assurance-vie en créant l’eurocroissance. C’est pour cela que le projet de loi que je porte facilitera le développement de l’actionnariat salarié (qui a montré son efficacité pour accompagner le développement ou protéger des attaques des groupes comme Eiffage ou Société Générale), et étendra l’épargne salariale aux petites et moyennes entreprises, tandis que des groupes comme Auchan ou Dassault en ont éprouvé l’efficacité. C’est également pour cela qu’il nous faut aller plus loin pour rendre la fiscalité des actionnaires individuels plus encourageante. L’actionnariat individuel est un élément de stabilité, comme le montre l’exemple d’Air Liquide. Faire des salariés et des épargnants français les détenteurs de notre capital productif est un défi urgent. Le deuxième levier, c’est de remobiliser les investisseurs institutionnels pour le financement de notre économie. D’une part, en réorientant les fonds des caisses de retraites vers la détention d’actions françaises et en associant d’autres investisseurs à leur côté. C’est, d’autre part, le sens de la bataille que nous devons mener avec Michel Sapin pour faire évoluer la réglementation européenne « Solvency 2 » : elle a rendu la détention d’actions trop coûteuse au regard de l’exigence prudentielle de niveau de fonds propres pour nos entreprises d’assurance. Le troisième levier, c’est le long terme. C’est le vrai horizon de temps à l’aune duquel se jugent les succès ou les échecs – et particulièrement, en matière d’industrie. L’intérêt général économique nécessite par conséquent de favoriser les acteurs qui portent intrinsèquement une vision de long terme – les actionnaires familiaux, les actionnaires salariés, les actionnaires publics et les fonds longs (français, européens, et internationaux). C’est pour leur donner les moyens de concrétiser cette vision que nous avons voulu que les actionnaires conservant leurs titres au moins deux ans puissent détenir des droits de vote doubles. Ce n’est pas une anomalie française : la majorité des pays européens autorisent les droits de vote multiples ; dans certains d’entre eux, comme la Suède, ils sont même généralisés de fait. La démocratie actionnariale ne s’est jamais construite sur le principe « une action = une voix ». Que dire en effet des actions B de Google ou de Facebook, pour ne citer que ces seuls exemples, qui accordent dix voix par action à leur détenteur ? Sortons de la naïveté française qui voudrait un libéralisme offert qui n’existe nulle part ailleurs ! Soyons compétitifs, exigeants avec nous-mêmes, mais cohérents avec notre vision de long terme. C’est ce dispositif de droits de vote double qui permettra à nos entreprises de se concentrer sur leur avenir et de faire de vrais choix industriels. C’est ce dispositif qui est en vigueur dans plus de la moitié des entreprises du CAC 40 et que le conseil d’administration de plusieurs autres a proposé à leurs assemblées générales d’adopter. C’est pour le faire vivre que l’Etat a récemment augmenté sa participation au capital de Renault : notre objectif est de faire respecter en assemblée générale la mise en œuvre de ces droits de vote. C’est donc pour constituer une minorité de blocage que nous avons acheté des actions qui seront ensuite revendues. L’Etat retrouvera sa participation de début d’année, en ayant des droits de vote doubles, qui se justifient pleinement dans une entreprise dont l’Etat est actionnaire depuis 1945 et que nous avons aidée durant la crise. C’est dans cet esprit que l’Etat favorisera l’adoption de ce dispositif dans toutes les entreprises dans lesquelles il est présent au capital, afin de pouvoir accompagner les stratégies de long terme.