Stop aux langues mortes.
Cela ne sert plus à rien d’apprendre le Grec ou le Latin à l’école. Soyons pragmatique, et apprenons l’Espagnol ou le Chinois dès le plus jeune âge. Plus de 400 commentaires à notre précédent post consacré au déclin programmé du latin et du grec dans le secondaire – et à la réforme de leur enseignement annoncée récemment. Saluons d’abord la qualité de la plupart des interventions, quelle qu’en soit la tonalité. Et même si beaucoup n’émanent pas d’inconditionnels de l’étude de ces deux langues. Un tel flot de commentaires apporte à lui seul un enseignement : il montre que le débat n’est pas clos et ne doit pas l’être. A l’évidence, le sujet de la place des « humanités » dans notre système éducatif garde toute son actualité – ce qui est, tout compte fait, une excellente nouvelle. A l’heure où tant de parents, d’enseignants et de citoyens de toutes conditions s’interrogent sur l’éducation des jeunes et les moyens de l’améliorer, la place du latin et du grec ancien doit être préservée – ce qui ne signifie pas, contrairement à ce qu’affirment certains, qu’il faut rendre leur enseignement obligatoire. Car, comme le souligne un des intervenants, au-delà du cas de ces deux langues, le vraie question est peut-être celle-ci : par quoi veut-on les remplacer ? Par du numérique, des enseignements « transversaux », des apprentissages « gadgets », comme on en voit de plus en plus ? Revient ainsi en force un point clé : l’apprentissage de ces deux langues n’est certes pas l’école de la facilité et du plaisir immédiat, mais celle de l’effort, de la rigueur et aussi du plaisir, mais un plaisir qui élève l’esprit. C’est peut-être le premier intérêt de l’étude de ces langues. Autre point sur lequel il convient d’insister : non, contrairement à ce qu’affirment plusieurs intervenants, les « humanités » ne sont pas « réservées aux bourgeois », elles n’ont pas vocation à être un marqueur social. Elles peuvent être un fantastique ascenseur social. L’auteur de ces lignes, issu d’une famille modeste, est bien placé pour en témoigner. Il suffit pour cela des encouragements de quelques professeurs et du soutien des parents. Plusieurs commentateurs soulignent aussi que l’étude du latin et du grec n’est guère utile pour la vie professionnelle – en clair, pour « trouver du travail ». C’est assez vrai, au moins à court terme. Mais le rôle de l’éducation est-il de fournir un emploi ? Si c’était le cas, alors il faudrait d’emblée bannir des programmes des matières comme l’histoire ou la philosophie, voire le français. Et mieux encore, confier directement aux recruteurs le soin d’élaborer les programmes des lycées et collèges. Mieux vaut assigner à l’éducation une mission moins « utilitariste », mais autrement plus ambitieuse : celle de permettre à chacun de développer ses aptitudes, de s’élargir l’esprit et de grandir, notamment en se dotant d’un « socle » de culture générale qui n’aura peut-être pas d’utilité immédiate et évidente dans la vie professionnelle, mais qui sera pourtant si utile dans tous les domaines de la vie… Terminons sur une forme d’autocritique. Nombre de lecteurs m’ont vertement reproché le dernier paragraphe de mon précédent post, dans lequel je critiquais un enseignement des humanités souvent rébarbatif. Il n’y avait pourtant aucune intention maligne dans ce point de vue, mais simplement le fruit d’une expérience personnelle (ancienne, il est vrai) pas toujours enthousiasmante. Cette expérience (ancienne, répétons-le) parfois décevante semble d’ailleurs avoir été assez largement répandue, à en juger par la teneur de certains commentaires. Reconnaissons notre erreur : beaucoup d’enseignants d’aujourd’hui ne ménagent pas leurs efforts pour rendre l’enseignement du latin et du grec attrayant, passionnant et même amusant. En utilisant pour cela les ressources d’Internet, en associant l’étude des textes anciens à l’histoire, à l’archéologie, à l’histoire de l’art… Et en jouant des mille possibilités qu’offre la pédagogie. Qu’ils en soient félicités.